Discours de Mgr Sylvain Bataille
Salutations
Chers amis, soyez tous les bienvenus, merci d’avoir répondu à mon invitation.
Avec les curés et les responsables de la mission dans le diocèse je suis heureux de vous accueillir.
Dans l’Église nous commençons la nouvelle année avec un mois d’avance, le mois qui nous prépare à célébrer Noël, d’où cette date qui peut sembler un peu avancée pour la présentation de mes vœux.
Regard sur la société
Changer d’année donne l’occasion de relire celle qui vient de s’achever, de regarder celle qui s’ouvre, avec les projets et les défis que nous avons à relever, tous ensemble. Nous connaissons les questions importantes qui traversent aujourd’hui notre société, les mutations et les risques de fractures – et sur notre territoire aujourd’hui, nous pensons évidemment à Casino.
Le Concile Vatican II, dans le document sur l’Église dans le monde de ce temps, commence par ces mots : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » (GS 1)
Je ne vais pas vous faire la litanie des difficultés du moment, depuis les soucis familiaux jusqu’aux conflits mondiaux. Beaucoup d’autres s’en chargent. Cela nous laisse bien souvent un sentiment d’accablement et d’impuissance. De plus, à l’époque de la mondialisation, nous sommes davantage conscients que tout est lié – et cette prise de conscience est heureuse – mais nous nous sentons d’autant plus petits face à de tels défis.
Alors, que faire ? Baisser les bras, et nous résoudre à ce que ces tensions continuent à désagréger nos familles, nos sociétés, notre monde ? Certainement pas !
En lisant l’Évangile, je suis frappé par le regard que Jésus porte sur les personnes qu’il rencontre, un regard de confiance et de miséricorde, qui donne à chacun sa dignité, quel qu’il soit et quoiqu’il ait fait. Jésus porte aussi un regard d’émerveillement. Au Temple il s’émerveille de l’obole d’une pauvre veuve qui donne de son nécessaire. Dans un autre passage, il se réjouit de la foi d’un païen qui lui fait une totale confiance.
Comme il est important le regard que nous portons sur les autres, qu’ils soient proches de nous ou plus lointains ! Croyons-nous que la vie est fondamentalement belle ? Croyons-nous que chaque vie vaut la peine d’être vécue, protégée, soutenue ? Et l’enfant à naître, le migrant, la personne handicapée, la personne fragile, malade, âgée… est-ce que nous les regardons d’abord comme des trésors, ou seulement comme un poids économique et social ? Cette attitude fondamentale d’accueil de l’autre, différent, dérangeant, ne serait-elle pas la base pour construire ensemble des réponses vraiment humaines à nos questions de société ?
Que pouvons-nous mettre en œuvre pour accompagner les femmes enceintes et les familles, les personnes confrontées au handicap ? Comment offrir aux jeunes une éducation affective qui soit une initiation à l’amour, dans le respect de l’autre et le don de soi ? Que faire pour que les migrants ne soient plus considérés comme des menaces pour la société, des personnes à assister ? Comment pouvons-nous mieux les aider à s’intégrer, à contribuer au bien commun par leur travail et toute leur vie, à relever le défi de se donner, là où ils sont ? Comment répondre aux inquiétudes, à la souffrance, à la solitude des personnes en fin de vie, autrement qu’en choisissant la mort ? Beaucoup de choses se font déjà pour accompagner ces moments si délicats et pourtant si riches, en particulier dans les services de soins palliatifs. Comment pouvons-nous aider davantage les proches et les soignants ? Comment pouvons-nous, dans nos choix quotidiens, ne pas considérer notre planète comme une mine à exploiter mais comme une belle maison commune où chacun doit pouvoir vivre heureux ?
Que de questions ! La liste pourrait s’allonger encore. Ou bien l’humanité se laisse mener par la technique et la loi du marché, qui exacerbent la peur de manquer, le besoin de posséder, les logiques de confrontations et de pouvoirs. Ou bien l’humanité apprend à servir tous les êtres et à s’émerveiller de la beauté de chacun. Cet idéal est grand et beau, enthousiasmant, mais que puis-je faire, à la place qui est la mienne ? Personne, parmi nous, n’a le pouvoir de tout transformer, mais nous avons tous des yeux, un cœur et des mains pour voir, aimer et servir.
Regard sur le diocèse
Si vous m’accordez encore quelques minutes, je voudrais vous partager la manière dont nous avons essayé cette année, bien modestement, de contribuer à cette révolution de l’amour dans notre diocèse de Saint-Étienne. Une petite vidéo de quelques minutes va permettre de la parcourir rapidement . Je remercie le Service communication du diocèse pour ce travail, et surtout tous les artisans du diocèse qui ont fait cette année.
Comme vous l’avez vu, nous avons vécu beaucoup de beaux moments avec les jeunes cette année. Le plus marquant a été les JMJ de Lisbonne cet été, et ceux qui accompagnaient le groupe ont été touchés par leur soif, leur joie, leur foi. Au mois d’avril, nous avons aussi emmené 130 jeunes au pèlerinage diocésain de Lourdes, parmi les 800 pèlerins. Ils y ont vécu une très belle expérience humaine et spirituelle, et de merveilleuses rencontres avec les pèlerins âgés ou malades. À la Toussaint, nous sommes allés à Assise avec des lycéens, sur les pas de saint François et de sainte Claire, qui nous parlent de l’Évangile par toute leur vie.
Un autre fait marquant : depuis deux ans nous avons la surprise de voir de plus en plus de jeunes collégiens et lycéens demander le baptême. Beaucoup plus d’adultes aussi frappent à la porte de nos églises, souvent ils ont entre 20 et 40 ans. Ils bousculent nos habitudes, nous invitent à repenser notre manière de vivre et d’accueillir. Ils nous rappellent l’invitation si forte du Christ Ressuscité à proclamer l’Évangile à toute la création !
Notre Église est en pleine transformation. Le synode des évêques sur la synodalité qui s’est tenu à Rome cet automne, à la suite d’une réflexion largement menée dans toute l’Église, nous stimule pour que chaque baptisé se sente concerné par la mission. Dans cette perspective, j’ai lancé une réflexion et une prière sur la vocation : chaque vie est unique, elle est un cadeau de Dieu pour les autres, chacun est appelé à trouver ce pour quoi il est fait et à le réaliser. N’est-ce pas la source de la vraie joie ?
Ces transformations de notre Église, sont aussi concrètes. Il nous faut adapter nos fonctionnements et nos bâtiments à nos besoins et à nos moyens. À l’occasion de mes visites pastorales, j’ai la joie de rencontrer les maires, ce qui me permet de mieux comprendre les enjeux de la vie sur notre territoire, de mieux nous y inscrire comme Église. Ensemble, nous avons à porter la délicate question des églises communales et à trouver des solutions adaptées. Ces églises sont un magnifique patrimoine de notre pays, avec leurs clochers qui nous invitent à élever nos cœurs, mais elles représentent aussi de lourdes charges pour les municipalités, comme pour les communautés. Je remercie les élus pour les bonnes collaborations qui sont vécues au niveau des paroisses.
Quant à l’immobilier qui nous appartient, là encore il nous faut nous ajuster. Il y a des bâtiments à abandonner, d’autres à restaurer pour en faire des pôles paroissiaux vivants et fraternels. Il y a quelques jours nous avons terminé et inauguré deux chantiers majeurs : d’une part la restauration de l’église et de la maison paroissiale de Sainte-Marguerite, à Montplaisir, pour tout l’est de Saint-Étienne, et d’autre part la création d’une maison paroissiale à Montbrison, la maison Saint-Joseph. La vie se poursuit et nous allons commencer les travaux pour la Maison Familya, une maison au service des familles, à Montaud. Je vous en parlerai plus longuement en décembre 2024 puisque nous serons à l’étape de l’inauguration.
Vœux
Alors que faut-il se souhaiter pour cette année 2024 ? Une année sans aucun souci, facile, où nous surferons sur les succès ? Nous savons qu’elle apportera son lot de joies et de peines, de réussites et d’échecs, d’enthousiasmes et de déceptions, d’audaces et de peurs, de banalités et de surprises. Puissions-nous simplement convertir notre regard, écouter notre cœur, pour agir avec intelligence, nous engager avec humilité et aimer avec générosité. Alors belle année à chacun de vous, et déjà belle fête de Noël ! Merci de nous avoir fait l’amitié de partager ce moment de fraternité.
+ Sylvain Bataille, évêque de Saint-Etienne