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Conférence de l’abbé Bruno Martin – 1700e anniversaire du concile œcuménique de Nicée

Publié le 5 juin 2025

Mardi 20 à Saint-Étienne et samedi 24 mai à Montbrison,
l’abbé Bruno Martin donnait une conférence à l’occasion des 1700 ans du 1er concile œcuménique.
Vous trouverez ci-dessous le texte de son intervention. 

LE CONCILE DE NICÉE

Des divisions dans l’Eglise d’Orient
Lorsqu’après sa victoire sur son compétiteur Licinius (324) Constantin devint maître de la totalité de l’empire romain, il trouva au sein de l’Église d’Orient des divisions qu’il entreprit aussitôt de réduire. Bien qu’officiellement non baptisé (il ne le sera que sur son lit de mort) Constantin, depuis ses premières victoires en 312, avait fait de la religion chrétienne, désormais officiellement autorisée, un soutien de son pouvoir et un élément d’unité politique.
Parmi les points de division, certains étaient secondaires, comme la fixation de la date de Pâques, qui ne se célébrait pas à Antioche au même jour qu’à Rome ou Alexandrie. Plus grave était le problème que posait, dans cette dernière ville, une des plus grandes et plus antiques métropoles chrétienne, l’enseignement dispensé par un prêtre du quartier de Baucalis, Arius. Les prêtres, à Alexandrie, disposaient d’une autonomie et d’une autorité très grande : l’Eglise y avait gardé des éléments du temps où l’autorité épiscopale était exercée par le collège des presbytres ; on citait des cas où ceux-ci avaient eux-mêmes ordonné leur évêque. Arius n’était donc pas un personnage secondaire.
Il est difficile de savoir ce qu’enseignait exactement Arius. Nous ne possédons de lui que deux lettres, les fragments d’un poème dans lequel il exposait sa doctrine, et ce qu’en disent ses adversaires ou ses partisans. Ce qui semble assez clair, c’est que pour lui le Père était une réalité absolument transcendante, incommunicable dans sa substance ; le Fils, lui aussi, était Dieu, mais d’un rang nettement inférieur. S’appuyant sur des expressions tirées du nouveau testament (« le Premier-né de toute créature »), Arius enseignait que le Verbe de Dieu avait été, comme toute la création, tiré du néant – « il y eut un temps où il n’était pas », disait-il ; s’il était appelé Fils de Dieu, c’est qu’il avait été adopté comme tel – n’était-il pas dit dans le psaume « tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré » ? Par la suite Arius avait corrigé un peu sa position en expliquant que le Fils était l’unique créature directement crée par le Père, tout le reste de la création étant l’œuvre du Fils exécutant la volonté du Père. On ne sait pas ce qu’Arius disait de l’Esprit-Saint, qui semble l’avoir peu préoccupé. L’évêque d’Alexandrie – qui s’appelait Alexandre – avait essayé de réagir, mais Arius était populaire, et avait même composé pour soutenir sa doctrine des petits cantiques qu’il faisait chanter jusqu’aux marins du port d’Alexandrie. Alexandre réunit alors une assemblée d’une centaine d’évêques égyptiens, qui excommunia Arius ; celui-ci alla se réfugier à Nicomédie, chez l’évêque Eusèbe, qui était favorable à ses idées.

Un concile convoqué par l’empereur
La pratique d’assembler des évêques pour régler des contestations existait déjà : dans la deuxième moitié du III° siècle, deux synodes s’étaient ainsi tenus à Antioche pour juger l’évêque Paul de Samosate, contesté aussi bien dans sa manière d’être que dans sa doctrine. Mais cette fois c’est l’empereur lui-même qui prenait, au nom de l’unité de l’empire, l’initiative de la convocation. C’est la ville de Nicée (aujourd’hui Iznik, en Turquie) qui fut choisie, parce qu’elle était proche de la résidence impériale de Nicomédie. Les évêques, pour s’y rendre, pouvaient bénéficier de l’evectio, c’est-à-dire utiliser les services de la Poste impériale ! On ne sait pas exactement le nombre des participants, les actes authentiques du concile ayant été détruits ; mais on a le témoignage de plusieurs des participants. L’évêque de Césarée Eusèbe, dans sa Vie de Constantin, parle de 250 évêques, en insistant sur le fait qu’ils venaient « de toutes les nations qui sont sous le ciel » ; cela lui permet d’employer une expression promise à un bel avenir en parlant de « concile œcuménique », οίκουμενικέν σύνοδον. Athanase, lui aussi présent comme diacre de l’Eglise d’Alexandrie, parle de 300 évêques ; on finira par parler de 318 évêques, chiffre symbolique – c’est le nombre des serviteurs d’Abraham (Gn 14, 14). En dépit des affirmations d’Eusèbe, ces évêques étaient presque tous orientaux. Le pape Sylvestre s’était fait représenter par deux prêtres, Vitus et Vincent ; d’Occident n’était venus que l’évêque de Carthage, Cécilien, un autre de Calabre, Marc, Ossius de Cordoue qui était un peu le « conseiller religieux » de Constantin et Nicaise de Die, dans les Gaules, dont on ne sait pas vraiment pourquoi il se trouvait là. Les dates de l’ouverture comme de la clôture du concile ne sont pas certaines. La date traditionnelle est celle du 20 mai 325, au lendemain des fêtes célébrant, à Nicomédie, la victoire de Constantin sur Licinius ; c’est dans la salle d’audience de la résidence impériale que les évêques étaient réunis, et c’est l’empereur lui-même qui ouvrit l’assemblée :
Au signal qui annonçait l’arrivée de l’empereur, tous se levèrent et lui-même enfin s’avança au milieu de l’assemblée, semblable à un céleste envoyé de Dieu, brillant comme de mille feux dans son manteau éblouissant, resplendissant des reflets flamboyants de sa robe de pourpre, paré de l’éclat lumineux de l’or et des pierres précieuses. Tel était ce qui enveloppait son corps ; quant à son âme, elle était manifestement embellie par la crainte de Dieu et la piété.
Constantin prononça en latin une adresse d’ouverture incitant les évêques à rétablir au plus vite la concorde et la paix ; sans doute n’avait-il pas pris la mesure exacte de la gravité de la controverse. À peine l’empereur s’était-il assis que les débats commencèrent avec âpreté – Eusèbe de Césarée, qui nous livre un récit assez lénifiant du concile, n’arrive pas à le cacher.

La difficile élaboration du symbole
Il faut bien savoir que nous n’avons, sur les délibérations comme sur les décisions du concile, que des témoignages postérieurs : les actes authentiques ont disparu dans les controverses qui ont suivi sa réception. Eusèbe de Césarée, soupçonné d’être plutôt favorable à Arius, est volontairement très discret ; Athanase, qui sera par la suite le champion de la foi de Nicée, nous dit de son côté que les délibérations furent longues et laborieuses. L’évêque Alexandre commença par lire devant l’assemblée des extraits des propos d’Arius, qui provoquèrent l’indignation. L’évêque Eusèbe de Nicomédie proposa alors une formulation qui restait proche des positions ariennes, qui suscita de même un tollé chez les pères. Si l’on en croit la lettre qu’Eusèbe de Césarée écrivit après le concile à ses diocésains, ce dernier proposa alors la formule du symbole en usage dans son Eglise. La question était en fait plus complexe que ne le pensait Constantin. Pouvait-on élaborer une formule de la foi différente du symbole baptismal ? Jusqu’où pouvait-on pousser les précisions, et avec quel vocabulaire ? On partit sans doute d’une formulation du symbole – celui de Jérusalem plutôt que celui de Césarée – mais par ajouts successifs on précisa les termes dans un sens antiarien : «Dieu, né de Dieu », « engendré, non pas crée » ; on alla jusqu’à ajouter une expression qui n’était pas tirée de la Sainte Écriture mais des notions de la philosophie grecque : pour dire la totale identité entre le Père et le Fils, on précisa qu’ils étaient de la même « substance » (ousia, en grec), et l’on forgea pour la circonstance l’expression όμοούσιος « consubstantiel », qui devint la marque de l’orthodoxie nicéenne. On ne sait pas qui fut à l’initiative de cette expression. Eusèbe la porte au crédit de Constantin, ce qui est peu probable ; on peut penser plus vraisemblablement à Ossius de Cordoue. L’usage de cette notion n’était pas totalement nouveau ; Origène l’avait employée, et des latins comme Tertullien ou Lactance avaient utilisé des notions approchantes. Pour affirmer l’identité absolue de substance et l’unité de Dieu, dans la diversité des personnes, n’était-il pas légitime d’utiliser le vocabulaire philosophique, et ne pas se contenter de répéter les seules expressions scripturaires ? L’emploi de ce mot ouvrait, en fait, la question du progrès possible de la réflexion théologique et du développement du dogme.
Il faut citer ici le texte élaboré à Nicée, qui n’est pas tout à fait celui qui nous est familier :
Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur de tous les êtres visibles et invisibles
Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, engendré du Père, l’unique engendré, c’est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu du vrai Dieu, engendré non pas crée, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait, au ciel et sur la terre.
Lui qui pour nous les hommes, et pour notre salut est descendu, s’est fait chair, s’est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté au ciel, viendra juger les vivants et les morts.
Et au Saint-Esprit.
Quant à ceux qui disent : « il y eut un temps où il n’était pas », ou « avant d’être engendré, il n’était pas », et « il a été fait du néant », ou qui affirment qu’il est d’une autre hypostase ou ousia, que le Fils de Dieu est créé, ou qu’il est changeant et variable, l’Eglise catholique les anathématise.
L’assemblée une fois parvenue à cette formule, Constantin usa de son autorité impériale pour que tous les évêques y souscrivent. Ossius signa le premier, suivi des deux prêtres romains qui représentaient le Siège Apostolique. L’évêque Eusèbe de Nicomédie et Théognis de Nicée refusèrent de souscrire, ainsi que trois autres évêques ; la menace de l’exil fit céder, à contre cœur, les deux premiers. Arius fut lui aussi envoyé en exil.
Questions liturgiques et disciplinaires
Cette grave affaire réglée, au moins en apparence, restaient à traiter des questions d’ordre liturgiques ou disciplinaires. On commença par la date de Pâques ; fallait-il utiliser, comme à Antioche, le comput juif, ou celui d’Alexandrie ? On décida qu’il fallait suivre l’usage d’Alexandrie, qui était aussi celui de Rome. Constantin envoya une lettre à tous les évêques pour donner à cette décision force de loi, lettre au début de laquelle il évoque de la même manière l’accord parvenu sur la formulation de la foi.
Les pères promulguèrent ensuite une vingtaine de canons d’ordre disciplinaire, concernant les clercs – on interdisait de conférer les ordres à des eunuques volontaires, à des néophytes ou à ceux qui avaient apostasié dans les persécutions. Il était interdit aux clercs de cohabiter avec des femmes, si ce n’est leur mère, leur sœur ou des personnes échappant à tout soupçon. Les évêques devaient être ordonnés par les évêques de leur province, qui devaient être au moins trois, et l’ordination confirmée par le métropolitain ; il était interdit à un diacre, un prêtre ou un évêque de passer d’une Eglise à une autre. On rappelait aux diacres qu’il leur était interdit de donner la communion aux prêtres ; un autre canon faisait allusion aux diaconesses pour préciser que n’ayant pas reçu l’imposition des mains, elles doivent être comptées parmi les laïcs.
Eusèbe, dans la Vie de Constantin, fait coïncider la fin du concile avec les vicennalia, c’est-à-dire avec l’anniversaire des vingt ans de règne de l’empereur, qui fut célébré le 25 juillet. Mais il est possible que la clôture se soit faite plus tôt, le 19 juin. Quelle que soit la date, Constantin offrit un grand banquet aux évêques, avec tant de faste et d’honneurs que certains, qui étaient revenus borgnes et boiteux des persécutions, se demandaient si l’on était pas déjà dans le royaume de Dieu !

Une réception difficile
Les querelles qui suivirent leur prouvèrent vite que ce n’était pas encore le cas. En effet, l’accord sur la formule de foi était dû plus à la volonté impériale qu’à l’unanimité des évêques. Certains comme Eusèbe de Nicomédie étaient restés franchement opposants, d’autres comme Eusèbe de Césarée n’avaient souscrit qu’à contre cœur. Que se passerait-il si, écoutant d’autres conseillers, l’empereurs changeait d’avis ? En 335, dix ans à peine après Nicée, Constantin rappelait d’exil Arius et exilait Athanase, devenu entre-temps l’évêque d’Alexandrie et le champion de l’orthodoxie nicéenne. Et c’est l’évêque Eusèbe de Nicomédie qui baptisa Constantin sur son lit de mort, en 337. Constance, son successeur à la tête de l’empire, prit ouvertement le parti arien, déclenchant pour un demi-siècle une dure persécution pour les partisans de Nicée, vite réduits à quelques évêques courageux, en tête desquels figuraient Athanase et, dans les Gaules, Hilaire de Poitiers.
Pour comprendre la difficile réception des textes de Nicée, il faut se dire que beaucoup d’évêques, qui les avaient acceptés sous la pression impériale, ne niaient pas la divinité du Christ mais étaient réticents envers l’emploi du terme όμοούσιος, qui ne se trouvait pas dans l’Ecriture ; beaucoup préféraient dire que le Fils était en tout semblable (όμοιος) au Père, ce qui évitait le terme non biblique, mais ne signifiait pas tout à fait la même chose ; cela posait surtout la question de savoir si la réflexion dans le domaine théologique pouvait dépasser la simple répétition des termes scripturaires et s’ouvrir à des innovations. Dans le parti Nicéen, la réflexion se poursuivait : à la génération suivante, celle de Basile de Césarée, de Grégoire de Nysse et de Grégoire de Nazianze, on fit mûrir la question en distinguant plus nettement l’unique nature divine (ούσία) et les personnes, en grec hypostases (ύπόστασεις).
C’est l’avènement à l’empire du général espagnol Théodose (379) qui mit fin au conflit. Il promulgua d’entrée un édit qui stipulait que tous les fidèles de l’empire devaient observer la foi professée par l’évêque Damase à Rome et l’évêque Pierre à Alexandrie ; puis il réunit en 381 un nouveau concile dans sa propre capitale, à Constantinople. Cent cinquante évêques, tous orientaux, réaffirmèrent la foi de Nicée, en développant l’article sur l’Esprit-Saint dont la divinité était cette fois clairement affirmée – les réflexions d’Athanase et de Basile avaient porté leur fruit. Ce symbole complété à Constantinople fut solennellement confirmé en 451 par le concile de Chalcédoine, qui déclara
…Que s’impose par son éclat l’exposé de la foi droite et irréprochable des 318 saints et bienheureux Pères réunis à Nicée sous l’empereur Constantin de pieuse mémoire, et que doit prévaloir aussi ce qui a été défini par les 150 Pères de Constantinople …pour confirmer la même foi catholique et apostolique qui est la nôtre.
Nous vivons toujours de ce que le même concile de Chalcédoine qualifiait de « sage et salutaire symbole de la grâce divine » ; ni son élaboration ni sa réception n’avaient pourtant été de tout repos.

L’abbé B. Martin

 

[1] Toute la difficulté réside dans le fait que les latins choisirent de traduire l’expression grecque ousia  par substantia – dans la traduction latine du symbole, όμοούσιος était rendu par consubstantialis. Mais le terme substantia était l’exacte transcription non d’ousia, mais du terme hypostasis,  par lequel les grecs désignaient la différentiation au sein de la Trinité. Ainsi les latins utilisaient pour dire l’unité de l’essence divine l’équivalent du terme par lequel les grecs disaient la distinction : là où les grecs parlaient d’une seule essence en trois hypostases, les latins disaient une seule substance (ou une seule nature) en trois personnes. Sur le fond, on voulait signifier la même chose ; mais ce décalage sémantique ne facilita pas le dialogue Orient/Occident.

[1] Les conciles œcuméniques, Cerf, 1994, T. II, p. 195

 

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Le Concile de Nicée – Conférence Mai 2025 – P. Bruno Martin 

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