La conversation dans l’Esprit, un trésor pour notre Église
Édito de Mgr Bataille (La Lettre de Saint-Étienne – septembre 2025
« Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises. » Ap 2,7
Lors du Synode sur la synodalité, la « conversation dans l’Esprit » s’est imposée comme une expérience décisive pour les participants. Beaucoup en témoignent : cette méthode simple et profonde a transformé leur manière de chercher ensemble la volonté de Dieu. C’est un trésor que nous sommes invités à déployer dans toute l’Église.
De quoi s’agit-il ? À la fois attitude spirituelle et outil pratique, la conversation dans l’Esprit est un art de l’écoute intérieure en vue d’un discernement communautaire. Elle part de la Parole de Dieu et aide à approfondir une question, à faire un choix ou à définir des orientations. C’est l’attitude de Marie qui retenait tous les événements et les méditait dans son cœur. (Lc 2,19)
La première étape est toujours la prière, pour mettre le Seigneur au centre et ouvrir nos cœurs à sa lumière, en nous laissant éclairer par sa Parole. « Ouvre l’oreille de ton cœur » disait saint Benoît. Des temps de silence jalonnent donc la démarche : silence pour accueillir la Parole de Dieu, silence pour préparer son intervention, silence encore pour recevoir ce qui est partagé. Chaque participant prend la parole à tour de rôle, dans un temps limité, sans être interrompu. Dans un premier tour il exprime ce que suscite en lui le texte, en lien avec la question posée. Dans un second tour chacun partage ce qui l’a touché dans les paroles entendues. Enfin, le groupe cherche à discerner ensemble les appels de l’Esprit.
Cette manière de converser libère la parole. Il ne s’agit pas de débattre, de convaincre ou de défendre un point de vue, mais de déposer humblement ce que l’on porte et d’accueillir ce que les autres partagent. Ainsi, même les personnes moins à l’aise pour s’exprimer trouvent leur place ; des paroles très simples peuvent devenir lumière pour tous. Dans cette démarche, personne n’est de trop ni au-dessus des autres : évêque, prêtres, diacres, laïcs ou consacrés, jeunes ou anciens, tous parlent à partir de leur expérience de vie et de foi, et tous écoutent les autres avec attention pour discerner ensemble la volonté de Dieu. Cette école d’écoute transforme le cœur : elle apprend à chercher ensemble ce qui est vrai, bon et juste, non pour maîtriser, mais pour accueillir comme un don ce que Dieu révèle par les autres. « L’idéal du sage c’est une oreille qui écoute » disait Ben Sirac (3, 29).
La fidélité à la méthode est essentielle : respecter les temps impartis, écouter sans préparer sa réponse, accueillir ce que dit l’autre comme un don. Cette rigueur n’est pas du formalisme : elle évite les affrontements, favorise la confiance et ouvre un vrai espace à chacun, et à l’Esprit Saint. Dans ce climat, l’unité ne se construit pas par effacement des différences, mais par l’émergence de ce qui est porteur de vie et de communion. Il ne s’agit pas d’une procédure démocratique où la vérité et les décisions se prendraient à la majorité. Le discernement se fait en Église, sous la conduite de l’Esprit, chacun agissant ensuite selon sa mission et sa responsabilité.
La conversation dans l’Esprit repose sur une attitude profonde d’humilité. Elle demande d’oser partager ce qui nous anime, puis de nous laisser interroger par ce que nous entendons. Elle aide à découvrir que l’Esprit parle à travers chacun, que personne n’est exclu de cette médiation.
Nos conseils diocésains ont déjà expérimenté la fécondité de cette « conversation dans l’Esprit », et je souhaite qu’elle devienne une pratique habituelle dans chaque paroisse, dans chaque groupe appelé à discerner, qu’elle devienne notre manière naturelle d’écouter l’Esprit lorsque nous avons à définir des orientations ou à prendre des décisions.
Salomon faisait cette prière qui a bien plu au Seigneur : « Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple, pour discerner le bien et le mal. » (1 R 3,9) Ce discernement est communautaire, c’est toute l’Église qui doit être à l’écoute, une Église qui croit que l’Esprit est à l’œuvre, qu’il inspire les fidèles et travaille leur cœur, que la communion est un don à recevoir de Dieu. C’est ainsi que le Seigneur peut toujours davantage tracer notre chemin et nous guider dans la mission, en marche vers le Royaume.
« Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent ! » Lc 11,28
+ Sylvain Bataille, évêque de Saint-Étienne
Conversation dans l’Esprit, mode d’emploi
Les préparatifs
Ils sont de 2 ordres.
Le premier travail préparatoire est d’abord de bien formuler la question proposée au discernement des participants. Une question claire, suffisamment précise et qui mobilise chacun, « sur le fond ». La Parole de Dieu étant au cœur de la démarche comme source d’inspiration, on choisit également un texte de l’Écriture qui introduira la conversation et favorisera une attitude de prière.
Le deuxième niveau de préparatifs est celui de l’organisation concrète de la « conversation » et de son animation. Elle est importante pour assurer la fluidité de la conversation, la qualité des temps de silence, le climat de prière. Comment concrètement la conversation sera-t-elle conduite ?
- La conversation se vit en petit groupe, 8 participants au maximum. Si l’assemblée est importante, il faut donc prévoir préalablement sa répartition en petits groupes, en tablées (pour pouvoir écrire)
- Fixer la durée pour chacune des étapes de la conversation (temps de préparation, temps de parole individuel…)
- Caler l’animation : qui présente le déroulement général, introduit chaque étape ? Qui est le « gardien du temps » et alerte sur son écoulement ? Avec quels supports visuels (Powerpoint…) ?
Le déroulement de la conversation
Pour animer le temps de conversation, disposer d’une présentation Powepoint pourra être utile. N’hésitez pas à télécharger pour la personnaliser, la présentation utilisée pour les Conseils du diocèse.
Introduction à la conversation
Cette étape est importante pour entrer, personnellement et collectivement, dans une disponibilité intérieure.
- Présentation de la méthode, du déroulement général et des « règles de la conversation », énoncé de la question posée aux participants
- Entrée dans la prière : signe de croix, chant à l’Esprit-Saint, courte prière vocale…
- Lecture à voix haute de l’extrait biblique.
Chacune des étapes qui suivront sera introduite et présentée de façon détaillée. De façon schématique, chaque « tour de table » (prises de paroles individuelles) va être :
- Précédé d’un temps « priant » de préparation (par exemple 10min)
- Ponctué par une pause silencieuse (1min par exemple)
1 – Prendre la parole et écouter
« Prendre la Parole », « écouter », ce sont les deux facettes d’une même attention prêtée à ce que le Seigneur veut nous dire. Chacun est invité à apporter sa contribution, à partir de son expérience et de sa prière personnelles.
- Temps de préparation (10min par exemple). Chacun prépare sa contribution ,dans un dialogue avec le Seigneur, à l’écoute de ce que l’Esprit dit à son cœur.
- Tout de table. Chacun prend la parole à tour de rôle (2min par exemple). Les autres participants sont invités à écouter et accueillir ce qui est dit, sans réagir ni intervenir. Si la personne n’a pas utilisé tout son temps de parole, on garde le temps restant en silence jusqu’à l’intervention suivante.
- Le tour de table terminé, on marque une petite pause silencieuse (1min par exemple) jusqu’au démarrage de l’étape suivante.
2 – Faire place à l’autre et à l’Autre
Quand, en écoutant, mon cœur a-t-il brûlé dans ma poitrine ?
Dans cette étape, chacun laisser résonner pour tous ce que les interventions ont produit en soi : « ce qui m’a touché, ce qui me rejoint, ce qui « résiste » …
On reprend le même schéma et les mêmes règles de fonctionnement : temps de préparation, tour de table, pause silencieuse
3 – Construire ensemble
Dans cette dernière étape, nous allons dialoguer ensemble à partir de ce qui a émergé précédemment pour discerner et recueillir le fruit de la conversation. Il ne s’agit pas d’élaborer une « synthèse » mais d’énoncer les éléments saillants :
- les intuitions et les convergences,
- les voix discordantes et « dissensus »,
- les « voix prophétiques », les nouvelles questions posées….
Après un temps de préparation et de recueil individuel, les échanges sont libres, dans un dialogue toujours respectueux, attentif, équilibré.
Il est bon de prévoir un petit temps pour mettre à l’écrit ce qui a été retenu.
Prière finale et action de grâces
La conversation se termine par une courte action de grâces au cours de laquelle on confie les fruits de la conversation au Seigneur pour la poursuite du discernement.